PIERRE BOSCO (1909-1993)
 

    Lorsqu’il découvre les reproductions d’oeuvres de Cézanne, Pissarro, Gauguin ou Rouault, il est persuadé que son avenir est à Paris, où vivent à cette époque peintres et sculpteurs du monde entier. En 1931 -- il a vingt-deux ans -- il s’installe à Saint-Germain-en-Laye et fréquente avec assiduité les académies et les ateliers de peinture. Il côtoie son voisin Maurice Denis, puis Pierre Bonnard, André Derain, Aristide Maillol, Edouard Vuillard et le beau-frère de ce dernier, le peintre nabi Ker-Xavier Roussel, qu’il rencontre à l’Etang-la-Ville et qui deviendra son maître spirituel. Grâce à ses précieux conseils, le jeune Bosco va découvrir sa véritable personnalité artistique. Une « rencontre essentielle » qui va transformer entièrement ce jeune artiste provincial encore empreint de modèles académiques.

“Bosco est le seul qui a apporté quelque chose de nouveau”

André Lhote

   Les années de guerre sont des années difficiles pour Bosco. En 1940 il se lie d’amitié avec le peintre André Marchand, vendant occasionnellement et parvenant à vivre grâce à quelques subsides de sa famille. Il réalise toutefois sa première exposition personnelle à Paris en 1943, à la Galerie Roussel, boulevard Saint-Germain. À la mort de son père en 1945, le peintre retourne dans sa famille en Italie, après quinze ans d’absence. Il y restera jusqu’en 1946. Il revient ensuite à Paris, où il peint, quelque peu replié dans son atelier, parvenant à vivre grâce à la restauration de tableaux.


  Pierre Bosco connaîtra enfin le succès dans les années cinquante. À cette époque il crée à Saint-Germain-en-Laye l’Association des Peintres Indépendants (A.P.I.) regroupant ses amis peintres. Il organise des expositions où figurent Jean Souverbie, Roger Chastel, les Frères Vera, Antoni Clavé, Gomery et Edoardo Samartino. Après avoir participé à la 1ère Biennale del Mare à Gênes d’octobre à novembre 1951, il expose l’année suivante parmi d’autres artistes à la Galerie Vivet, rue de l’Université, à Paris.


   En 1953, après avoir fait une exposition de groupe au Pavillon Louis XIV, il participe au Troisième Salon d’Art sacré au musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, avec une Descente de Croix très remarquée. L’année suivante, Mme Baignol, propriétaire de la Galerie Le Hérisson à Saint-Germain-en-Laye, organise une exposition de cinquante toiles, dont une Descente de Croix, une Place du Château à Saint-Germain-en-Laye, un Arlequin et une Course à Auteuil. Dans la préface de Ernest René Collot, consacrée à Bosco, on peut lire : « Le peintre tend à construire ce qui dans la nature se dérobe le plus à la construction ». À l’occasion de cet événement, l’artiste rencontre le poète Guy Lavaud qui lui consacrera dès lors de nombreux articles. Pour lui, Bosco est un puissant de la peinture, un visionnaire. Le 4 décembre, il figure de nouveau dans cette galerie parmi d’autres peintres. Y sont conviés les poètes Pierre Seghers et Jean Rousselot.


  Durant trois années consécutives il sera sélectionné pour le prestigieux prix Othon Friez au Musée des Arts Décoratifs de Paris.


  En 1955, la Galerie M. Forein du Faubourg-Saint-Honoré le sollicite en vue d’une exposition abstraite. Bosco, après mûre réflexion, refuse de s’engager. À une période où l’art abstrait s’infiltre dans l’Ecole de Paris, influençant les jeunes peintres comme Alfred Manessier, Pierre Tal Coat, Jean Bazaine et bien d'autres, Bosco a fait l’expérience de l’abstrait pur mais, comme il le reconnaît lui-même :

« Je me suis rendu compte que, en travaillant de la sorte, à mon insu, je réalisais toujours, plus ou moins, le même tableau ». Pour l’artiste avide de nouvelles expériences, l’abstrait est un moyen facile de répéter un système et de s’y enfermer. Il retourne à la figuration, réservant principalement le langage non figuratif aux œuvres sur papier.

    En 1956 Bosco rencontre Alex Maguy, célèbre collectionneur et propriétaire de la Galerie de l’Elysée sur le Faubourg Saint-Honoré à Paris. Le peintre a quarante-cinq ans. Il va signer un contrat qui le lie au marchand de tableaux pendant quinze ans. Il prépare pour l’année suivante une exposition d’envergure dans la capitale.


  Cet évènement consacre l’artiste. La presse est unanime : on loue ses « visions fulgurantes », « son style au graphisme alerte, aux tons recherchés ». Robert Vrinat, journaliste au Figaro, le reconnaît comme « un des plus grands peintres de sa génération ». Des articles lui sont consacrés par les poètes Pierre Seghers, Jean Cocteau, Marcel Sauvage (qui lui consacrera un poème). Parmi ses apologistes on compte l’écrivain Henri Bosco et le journaliste et écrivain Louis Nucéra. Dans la préface du catalogue d’exposition, le critique d’art René Barotte écrit: « Cet auteur inoubliable du Couple chez qui l’expression de l’inconnu aboutit presque à l’angoisse est l’ami des poètes ».


  Alex Maguy le fait accrocher entre les plus grands noms de la peinture contemporaine : Chagall, Braque, Picasso, Matisse, etc. Cette collaboration lui ouvrira les portes d’une carrière internationale: il participe dès lors à des émissions radiophoniques, ses œuvres entrent dans les collections permanentes des musées.

Il attire financiers, avocats, acteurs et producteurs de cinéma. Les Américains ne tarissent pas d’éloges pour ce peintre au fort tempérament, allant jusqu’à affirmer que « Bosco is the latest Picasso in perspective, and very much in vogue » (New York Herald, 14 mai 1957).

   En 1960, Bosco dessine le frontispice d’un recueil de poèmes de H. G. Maisongrande intitulé Le Cycle des Héritiers où l’auteur symbolise la lutte entre l’univers matérialiste et la pensée poétique. Il réalisera aussi les illustrations d’un livre d’art réunissant douze poèmes manuscrits du même auteur.


   En 1963, une exposition à La Belle Gabrielle remporte un franc succès. À cette occasion des articles élogieux lui sont consacrés dans Le Figaro, Libération, L’Humanité et Paris-Presse. Dans la revue littéraire Carrefour, l’auteur déclare : « L’art farouche de Bosco porte sa rudesse et son mystère. C’est un art d’expression pure, s’il en est, qui n’est pas fait pour plaire bien sûr, mais dont la sincérité ne peut rien faire que de retenir l’attention. Une personnalité d’exception qui sera discutée ». Dans les Lettres Françaises du 6 juin 1963, on y lit: « Les toiles de Bosco sont remplies d’une atmosphère mystérieuse, d’un expressionnisme tragique ».

Bosco en famille à Saint-Germain en Laye.

  La fin de la décennie est marquée par la naissance de son troisième fils, Stéphane, et par deux expositions européennes : à la Galerie Il Tibbio à Trieste en Italie et à la Corner Gallery de Londres. En 1971 a lieu une importante exposition personnelle à la galerie La Belle Gabrielle, suivie d’une exposition de groupe au Palais de Chaillot à Paris sur le thème de Jésus-Christ qui donnera lieu un article élogieux dans le quotidien La Croix. D’autres expositions personnelles s’ensuivront : en 1974 à Metz et à Paris (Galerie Capangela), à la Galerie Grand Siècle à Versailles en 1975. En 1976 il présente 35 peintures et 7 pastels à la Galerie La Belle Gabrielle, faisant à cette occasion la une de la revue Le Peintre (n° 528). La même année il expose à la Galerie des Peintres Européens à Cannes, à Orgeval et à la Galerie Schack à Tordenskjoldsgade, au Danemark.


  En 1979 une exposition itinérante remporte un succès triomphal à Dallas, Houston et San Francisco. Bosco expose 38 toiles et 10 gouaches principalement sur le thème du sport.


  En 1981 Bosco voyage en Irlande, à Rhodes, aux Etats-Unis et au Mexique. L’année suivante, il reçoit le Diplôme du Mérite de l’Université de l’Art de Florence. Deux expositions particulières se tiendront cette année-là au Musée Véra à Saint-Germain-en-Laye et à la Galerie de la Colonne, place Vendôme à Paris. En 1985, le peintre expose à la Galerie Göran Svensson à Stockholm. Les toiles de Bosco voyageront à cette occasion dans plusieurs villes de Scandinavie.

 

  Au début de l’année 1986, le peintre exécute une peinture murale – une course automobile – dans le hall d’entrée du Centre de Recherches des usines Bendix à Drancy. Durant l’automne, à l’occasion du Prix de l’Arc de Triomphe, Bosco expose quatre toiles sur l’Hippodrome de Longchamp.

  

   Malgré une réelle aversion à quitter son atelier, Bosco part en voyage aux Antilles en mars 1988 durant lequel il réalisera une série de croquis. Durant l’été un grave accident le plonge dans un coma dont il sortira après deux mois d’hospitalisation. Le 30 novembre a lieu dans le château de Maisons-Laffitte une exposition où sont présentés 30 tableaux et 24 gouaches et pastels couvrant plus d’un quart de siècle de recherches. Près de 300 personnes se pressent au cours de cette unique soirée.


En 1991, Bosco réalise une oeuvre, Le Baptême du Christ, destinée à l’ancien baptistère de l’église paroissiale de Visco (où il fut lui-même baptisé en 1909.


  Pierre Bosco meurt le 3 mars 1993, à 83 ans, dans son atelier de Vernouillet (Yvelines). Il est enterré au cimetière de Saint-Germain-en-Laye.


On estime à plus de 6000 le nombre de ses tableaux, auxquels ils faut ajouter les innombrables œuvres sur papier (pastels, gouaches, aquarelles ou dessin). Ses œuvres sont présentes dans les collections permanentes des musées : Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, Tel-Aviv en Israël, Caramulo au Portugal et en Amérique du Nord (Toledo Museum of Art, Ohio ; Beaverbrook Art Gallery, Fredericton, Canada).

  Elles sont aussi présentes dans de nombreuses collections privées en France, en Italie et dans les pays scandinaves. En 1962, Joseph H. Hirshhorn, un riche industriel américain et collectionneur d’art acquiert plusieurs toiles (qui font aujourd’hui partie des collections du Hirshhorn Museum and Sculpture Garden à Washington DC). Bosco est aussi entré dans les collections des acteurs américains Kirk Douglas, Robert Mitchum, Jack Palance, de Lord Beaverbrook (l’ami et confident de Sir Winston Churchill), du Président Georges Pompidou, de chanteurs, sportifs (en 1976 le vainqueur belge du Tour de France Lucien Van Impe se verra offrir par Radio-France une Course cycliste), d’hommes de culture – notamment Pierre Lévy qui a fait donation à l’État français de sa collection.


Texte: Frédéric Asse

(Sources: Pierre Cailler, Les Cahiers d’Art, N°24, 1963)

En 1979 à Dallas.

PIERRE BOSCO (1909-1993)

En 1959, le marquis de Langle organise une exposition à la Galerie Di Méo, à Paris. Bosco rencontre à cette occasion des personnalités de l’époque, telles que son Altesse Royale le prince de Grèce et le duc de Broglie.


L’année suivante, le peintre se marie et part pour New York où a lieu, à la galerie Norval, une importante exposition où tous les collectionneurs habituels se sont donné rendez-vous. Ce succès, relaté par un article élogieux dans le New-York Herald Tribune, permettra au peintre de prolonger son voyage de noces dans le nord-est des États-Unis et au Canada.


Du 28 janvier au 16 février 1961 a lieu la première grande manifestation du peintre en Suisse, au Musée de l’Athénée de Genève, sous la présidence de M. Toffoli, ambassadeur de l’O.N.U. Bosco y expose cinquante toiles et des pastels. C’est cette année-là que naît son premier fils Pierre Luca.


En 1959 Bosco rencontre Yves Thomas, propriétaire de la galerie La Belle Gabrielle, située à deux pas de la Place du Tertre à Montmartre. Un contrat va les lier pendant trente ans, durant lesquels le peintre s’engage à fournir au galeriste quatre tableaux par mois illustrant les thèmes populaires de cette époque : cathédrales, combats de coqs, cyclistes et courses de chevaux. Cette production « répétitive », selon l’aveu du peintre, ne l’empêchera pas de faire des expositions personnelles à l’étranger.

Le peintre continue d’exploiter les thèmes qui lui sont chers comme les têtes de Christ et les cathédrales. Cette année marque aussi la naissance d’un second fils, Marc Antoine.


  En 1964, à la galerie Max Bodner à New-York, ses toiles figurent parmi celles de Marie Laurencin, Picasso, Signac, Pissarro, Renoir et Rouault. Du 17 avril au 1er mai, Bosco expose, avec Yvonne Mottet, une Course de chevaux, des Oiseaux, des Footballeurs et un Combat de coqs à la Galerie du Carlton à Cannes. L’année suivante, ce sont quarante toiles récentes qu’il présente au public à la Galerie Wamper à Cologne.


  En avril 1967 Pierre Bosco reçoit la médaille d’Argent de la Ville de Paris et en juin la Croix de Chevalier.

    L’exposition à la galerie Matarasso à Nice la même année confirme le succès de Paris. En 1958 son œuvre est présentée à Clermont-Ferrand, à Strasbourg et au Casino de la Baule.


Pourtant, Bosco ne tardera pas à se rebeller devant les exigences autoritaires d’Alex Maguy : il décide alors de limiter sa production. En 1959, le contrat, prévu originellement pour quinze ans, est dénoncé pour « atteinte à la créativité ». 

Pierre Bosco, vers 1930

Pierre Bosco, fils de Giacomo Bosco et Maria Godeas, est né le 29 janvier 1909 à Visco, dans la province d’Udine (Italie). Descendant du côté de sa grand-mère d’une famille célèbre en Italie, la famille Della Rovere, il grandit parmi sept autres enfants.


   Son attrait pour les images se développe très tôt, probablement lorsqu’il découvre les fresques de Giulio Justulin ornant l’église paroissiale de la ville ou les scènes religieuses, symboles de piété populaire, qui décorent les façades des maisons en Italie. À huit ans, lors d’un voyage à Trieste, sa mère lui achète une boîte de peintures. Ce cadeau décidera de la future carrière de l’artiste. Adolescent, il restaure une Fuite en Egypte abîmée par les intempéries et peint des Madones sur les murs, selon les traditions ancestrales de son pays.


Son père, qui possède un haras non loin de Venise (de là viendra sa passion pour les courses de chevaux), l’encourage à faire des études pour devenir officier de la marine marchande. Il fait son service militaire en Sardaigne en tant qu’officier télégraphiste mais son intérêt grandissant pour la peinture le conduit à Gênes, puis à Rome où il apprend le métier de restaurateur de tableaux. Il se familiarise dès lors avec les techniques de la grande peinture. Ses œuvres de jeunesse montrent déjà une sensibilité instinctive aux couleurs et une volonté de donner une dimension volumétrique à ses images, véritable fil conducteur de sa création artistique à venir.

L’acteur américain Kirk Douglas montrant l’un des sept tableaux de Bosco, «son jeune peintre favori» qui décorent les murs de son bureau.